N’zi Kouakou Sylvestre (Spécialiste et thérapeute du langage, orthophoniste) : « la demande pour la prise en charge des patients est forte mais il existe peu de professionnels»
Professionnel de la santé qui prend en charge les enfants, adolescents et adultes qui présentent des troubles de la parole et de la voix, N'zi Kouakou Sylvestre est spécialiste, thérapeute du langage et orthophoniste à Areia/la Page Blanche de Bingerville. Au cours d'un entretien avec Tonus Magazine, il évoque les causes des troubles du langage et de la parole et estime qu'en Côte d'Ivoire, les orthophonistes ne sont pas nombreux.
Ivoirehandicap.net : Qu’est ce qu’un orthophoniste ?
N’zi Kouakou Sylvestre : L’orthophoniste est un professionnel de la santé qui prend en charge les enfants, adolescents et adultes qui présentent des troubles du langage oral et écrit. Il intervient uniquement sur prescription médicale, généralement d’un médecin généraliste et dispose de diverses méthodes pour corriger les différents types de handicap.
Citez des troubles du langage oral et écrit ?
Ces troubles regroupent le bégaiement, trouble d’articulation, de trouble phonologique, de dysphasie ou d’une absence totale de langage, retard du langage oral, l’aphasie, la dysphasie, la dysarthrie, la dysgraphie, la dyslexie… Dans le trouble du langage écrit, on parle de transcription. Quant à la dyslexie, c’est un trouble de l’apprentissage de la lecture et la dysgraphie qui est un trouble de l’écrit.
Quelles sont les causes des troubles du langage oral et écrit ?
Concernant l’autisme, c’est héréditaire. Les causes peuvent aussi etre liées a des problèmes psychoaffectifs. Par exemple, en Amérique, les congés de maternité vont jusqu’à 3 ans. Mais en Côte d’Ivoire, ces congés durent 3 mois. Le constat est que juste après ces 3 mois qui sont vraiment courts, les mamans abandonnent leurs enfants à la maison. Face à cela, certains enfants sont mécontents et cela peut provoquer une crise d’AVC ou subir un traumatisme physique par sa nounou. Cette situation peut rendre l’enfant dyslexique ou autiste ou épileptique. Avec ça, l’enfant n’arrive pas à se développer normalement comme ses pairs. Il a du retard parce qu’il est traumatisé. Il y a également d’autres enfants qui prennent souvent la décision de ne pas parler parce que maman l’a abandonné. Dans cette situation, on est en présence d’un trouble psychologique. L’enfant peut parler mais il ne le fait pas et sur le long terme, le retard s’installe et il est face aux difficultés.
Quels sont les différents cas de troubles du langage oral et écrit que vous rencontrez généralement ?
Les cas que nous rencontrons généralement dans notre centre sont la dysphasie, l’autisme. On a aussi des adultes qui, lorsqu’après un AVC, ils perdent le langage, donc il faut rapidement récupérer le langage par la rééducation. Relativement à l’autisme, il y a tellement de troubles notamment les troubles phonologiques, d’articulation, les retards de langage et les troubles de langage oral.
Comment se fait la prise en charge d’un sujet ayant des troubles du langage et de la parole ?
La prise en charge est pluridisciplinaire. Je suis thérapeute du langage, orthophoniste, je fais la rééducation du langage. Si je n’ai pas vu le rapport médical du psychologue, du pédopsychiatre, du médecin généraliste, les bilans de l’IRM et de l’EEG, je ne peux rien faire. Parce que je dois savoir où la lésion est localisée dans le cerveau pour pouvoir mieux faire la rééducation. Il y a des lésions dans le cortex par exemple qui font que le patient a un trouble de compréhension et d’exécution. A ce niveau, quand j’ai cette information, je sais comment m’y prendre. Aussi, lorsque je sais que la lésion est située dans l’œil du langage et qu’il y a seulement la compréhension mais, il n’y a pas la parole, je sais comment m’y prendre également. En clair, l’amélioration de la prise en charge dépend de la localisation de la lésion dans le cerveau. En Côte d’Ivoire, les orthophonistes ne sont pas nombreux. Nous sommes environ une vingtaine qui exerçons ce métier dans notre pays pour une population de plus de 14 millions d’habitants, ce qui est insuffisant. Il faut préciser qu’une dizaine a été formée hors du pays et l’autre dizaine est sortie cette année de l’INFAS. En gros, la demande pour la prise en charge des patients est forte mais, il y a peu de professionnels pour la pratiquer.
Quels sont les conseils pour éviter ces troubles du langage écrit et oral ?
Aux pères, il faut accepter toujours les grossesses. Quand, une grossesse est refusée, la maman est affectée psychologiquement et cela affecte aussi le fœtus. Il y a aussi l’intoxication maternelle qui s’explique par la prise de trop de médicaments, de drogue, d’alcool par la mère qui peuvent intoxiquer le fœtus. Il y a aussi pendant l’accouchement, il faut faire beaucoup d’effort. Parce que quand l’enfant est en train de naître, il consomme le liquide amniotique et automatiquement il fait un AVC chimique. Et là, on appelle cet enfant un enfant en situation d’infirmité motrice cérébrale [IMC]. Il faut donc suivre correctement les conseils de son gynécologue jusqu’à l’accouchement. Aussi, il faut être attentif aux signes d’appel à chaque âge de l’enfant.
Votre appel
Avoir un enfant qui ne parle pas n’est pas une fatalité. Ce qui est intéressant, c’est que ces pathologies ou handicaps peuvent être améliorés si la prise en charge est précoce. Je dis précoce parce qu’à partir de 3 ans ou avant 3 ans, nous sommes à maturité cérébrale et c’est le moment opportun pour l’enfant de profiter dans le but d’améliorer son handicap. Les enfants atteints de trisomie, d’infirmité motrice cérébrale, de dyslexique… sont des enfants qui peuvent aujourd’hui faire leur interaction sociale grâce à leur prise en charge précoce.
Propos recueillis par Guy Martial Kouassi